Chronique

La baisse des taux et votre hypothèque

Consommateur aguerri, vous aviez sauté sur une hypothèque à taux fixe à moins de 3 %, il y a un an ou deux, pensant vous prémunir contre une augmentation des taux. Mais voilà que les taux baissent. Encore.

Ne vous en faites pas. Personne ne l’avait vu venir. Des 19 grands économistes sondés par l’agence financière Bloomberg, pas un seul ne s’y attendait. Dur métier que celui de prévenir l’avenir.

Suivront, suivront pas ? Il est encore trop tôt pour dire comment les institutions financières réagiront à la baisse de 25 points (0,25 %) du taux directeur de la Banque du Canada, mercredi dernier.

Habituellement, le taux préférentiel des banques, celui qu’elles accordent à leurs meilleurs clients, suit de très près le taux directeur de la Banque du Canada, avec un décalage de quelques jours ou semaines.

Mais il y a des exceptions. Le plus récent exemple remonte à la crise du crédit. À la fin de 2008, la Banque du Canada a réduit son taux de 75 points, mais les banques n’ont abaissé leur taux préférentiel que de 50 points, creusant l’écart entre les deux taux de 25 points.

Cet écart, qui avait toujours été de 175 points (sauf durant quelques mois en 1997), s’est alors élargi à 200 points… jusqu’à la semaine dernière, puisque les banques n’ont pas encore emboîté le pas. L’écart est maintenant de 225 points : 0,75 % pour le taux directeur contre 3 % pour le taux préférentiel.

Le taux préférentiel est important pour les consommateurs, car il détermine les paiements d’intérêts sur les hypothèques à taux variable et sur les marges de crédit.

À COMBIEN SE SITUE LE TAUX VARIABLE ?

Le taux variable varie d’un prêteur à l’autre. La semaine dernière, les prêteurs virtuels les plus audacieux allaient jusqu’à 2,3 % (MCAP), soit 70 points sous le taux préférentiel. Dans les banques, le meilleur taux variable se situait à 2,4 % (Banque Nationale, Banque Scotia). À vous de magasiner !

QUEL IMPACT SUR VOS MENSUALITÉS ?

Si les banques réduisent leur taux préférentiel, les propriétaires qui ont déjà une hypothèque à taux variable feront des économies. Avec certains prêteurs, la baisse de taux est appliquée le jour même sur votre hypothèque. D’autres attendent le mois suivant et d’autres encore attendent le prochain trimestre. Tout dépend de votre acte hypothécaire.

Pour vous donner une idée, vous économiseriez 25 $ par mois sur une hypothèque de 200 000 $ amortie sur 25 ans si votre taux variable baissait de 2,6 à 2,35 %, par exemple.

POURQUOI NE PAS REMBOURSER L’EMPRUNT PLUS VITE ?

Mais pourquoi ne pas utiliser la baisse de taux pour rembourser l’emprunt plus vite ? En maintenant vos paiements au même niveau, vous vous débarrasseriez de cette même hypothèque pratiquement un an plus tôt.

POURREZ-VOUS ACHETER PLUS GRAND ?

Non. Même si vous optez pour un taux variable pour réduire vos mensualités, les institutions financières doivent utiliser un taux de qualification plus élevé (autour de 4,8 %) pour déterminer si vous avez les reins assez solides pour acheter.

C’est une bonne chose, car le taux d’endettement des Canadiens frôle un sommet historique, à 163 %, et le marché immobilier est surévalué de 10 à 30 %, selon la Banque du Canada. On ne voudrait pas que la baisse des taux gonfle la bulle.

OÙ IRONT LES TAUX FIXES ?

Les taux hypothécaires fixes suivent davantage l’évolution du marché obligataire que celle du taux directeur de la Banque du Canada. Mais le jour de l’annonce de la baisse du taux directeur, le taux des obligations 5 ans a flanché de 18 points, à un creux de 0,87 %, jamais vu depuis au moins quatre décennies. Le taux swap, sur lequel s’appuient les hypothèques à taux fixe de 5 ans, a aussi perdu 20 points.

Cela laisse présager une baisse des taux fixes, surtout qu’il y a de bonnes probabilités que la Banque du Canada baisse son taux directeur de 25 autres points, estime Benoit Durocher, économiste chez Desjardins.

Déjà, il est possible de dénicher un taux de 2,77 % sur 4 ans (MCAP) et de 2,79 % (MCAP) ou 2,84 % (Industrielle Alliance) sur cinq ans. À la veille de la saison forte dans l’immobilier, les prêteurs se lanceront-ils dans une nouvelle guerre de prix ? Verra-t-on des taux fixes à 2,5 % ? Rien n’est exclu.

VAUT-IL LA PEINE DE SE REFINANCER ?

Si vous avez une hypothèque à taux fixe, vaudra-t-il la peine de refinancer votre prêt avant l’échéance pour profiter plus rapidement de la baisse des taux ? S’il reste encore plusieurs années à votre contrat, probablement pas. Même si les taux baissent de 25 points, l’écart ne sera pas assez grand pour effacer les pénalités très salées de remboursement anticipé. Mais si la fin de votre terme approche, ça vaudra peut-être la peine de faire des petits calculs.

FIXE OU VARIABLE ?

Et maintenant, la sempiternelle question : fixe ou variable ? La réponse dépend d’abord et avant tout de vos besoins. Le taux fixe vous donnera une sécurité si vous venez d’acheter votre première maison et que votre budget est serré. Mais si vous avez une marge de manœuvre financière, le taux variable vous permettra d’économiser des intérêts et de rembourser plus vite votre prêt.

Pour couper la poire en deux, vous pouvez opter pour un taux variable, mais faire des versements plus élevés qui seront fondés sur un taux fixe de 3 ou 5 ans. C’est la solution idéale pour économiser des intérêts et éliminer son hypothèque plus vite, estime Robert Leroux, directeur chez le courtier Hypotheca.

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